[Lis] Journal d’un vampire en pyjama, Mathias Malzieu

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Bonjour à tous! Après quelques semaines passées loin de mon blog, reprendre son écriture me paraît toujours insurmontable. Je vois la pile des livres lus grandir comme par enchantement et je me sens autant découragée à l’idée de les chroniquer qu’à celle de voir leur souvenir se dissiper jour après jour.

Le second sentiment étant, de loin, le plus angoissant, j’ai pris la ferme résolution d’améliorer mon rythme de publication. Et je commence dès aujourd’hui, avec un ouvrage particulièrement inclassable…

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Ce livre est le vaisseau spécial que j’ai dû me confectionner pour survivre à ma propre guerre des étoiles. Panne sèche de moelle osseuse. Bug biologique, risque de crash imminent. Quand la réalité dépasse la (science-) fiction, cela donne des rencontres fantastiques, des déceptions intersidérales et des révélations éblouissantes. Une histoire d’amour aussi. Ce journal est un duel de western avec moi-même où je n’ai rien eu à inventer. Si ce n’est le moyen de plonger en apnée dans les profondeurs de mon cœur.

Pour être parfaitement honnête, je ne suis pas sûre de la raison qui m’a poussée à acheter ce livre. Je n’avais rien lu de Mathias Malzieu, je n’en ai d’ailleurs jamais eu l’envie. Les récits de vie, que je trouve souvent mal rédigés, sont tout sauf ma tasse de thé – et c’est encore pire lorsqu’ils évoquent la maladie. En plus d’être maladroits, ils en deviennent déprimants et je ne comprends vraiment pas comment on peut les lire hormis sous la contrainte!

Et pourtant, me voilà il y a quelques semaines, chez mon libraire de seconde main, emportant ce journal avec l’impression d’avoir trouvé un trésor. Les avis enthousiastes des lecteurs y étaient sans doute pour beaucoup. Un soupçon d’intuition de lectrice avisée a suffi pour achever de me décider!

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Les premières pages, cependant, ont semé le doute dans mon esprit: s’agissait-il d’un témoignage, d’un récit poétique, d’une fiction-réalité? Le style de l’auteur, à la fois très travaillé et résolument peu classique, me désarçonnait tout autant. Aussi rapidement qu’imperceptiblement, la magie a toutefois opéré et balayé d’un revers de main mes interrogations: ce livre ne ressemble à aucun autre et c’est sans doute sa plus belle qualité!

Mathias Malzieu transfigure cette bataille personnelle et nous livre une fable humaine et universelle, grâce à sa langue imagée à la force évocatrice sans pareil. Face à l’épreuve de la maladie, seul son esprit hyperactif, hypercréatif, lui permet de garder la tête hors de l’eau. Son humour, son recul et l’ingéniosité stylistique dont il fait preuve offrent à ce journal, touchant mais jamais larmoyant, une tonalité onirique, presque surréaliste. Cette écriture, qui n’obéit à aucune règle et s’enrichit d’amusants néologismes, n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de l’illustre Boris Vian.

En conclusion, je vous recommande vivement cette lecture. Quant à moi, je me mets sans attendre en quête de tous les romans de cet auteur!

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[Lis] La vie secrète d’Emily Dickinson, Jérome Charyn

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Bonjour à tous! Je suis très heureuse de vous proposer aujourd’hui ma dernière note littéraire de 2014, qui achève cette année en beauté puisqu’il s’agit d’un immense coup de cœur, dévoré en quelques soirées à peine. Si votre curiosité est attisée, cet article est pour vous.

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« Fermer les yeux c’est Voyager », écrit Emily Dickinson en 1870. C’est par ces mots que s’ouvre La Vie secrète de la grande poétesse américaine, réinventée par Jerome Charyn. Du séminaire de Mount Holyoke à la solitude des dernières années, il retrace le destin d’une femme exceptionnelle.
Pourtant ce livre n’est pas une biographie : comme Norman Mailer dans les Mémoires imaginaires de Marylin, Charyn dépasse la légende en lui donnant une voix. Car c’est bien Emily Dickinson que l’on entend, vivante, sensuelle, loin des clichés la réduisant à une recluse excentrique toujours vêtue de blanc.

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Je suis obligée d’admettre que je connaissais bien mal Emily Dickinson avant cette lecture. Je la situais de façon assez imprécise, en raison de son statut de figure majeure de la poésie américaine et de la légende qui l’entoure. Et c’est ce qui m’a donné envie de me plonger dans ce livre, puisqu’il me promettait d’en savoir plus sur ce grand écrivain, tout en m’offrant une divertissante part de fiction. L’auteur insiste bel et bien sur le fait qu’il s’agit d’un roman, non d’une biographie.

Et si le sujet me parlait et que je m’attendais à passer un agréable moment, je me suis rapidement aperçue qu’en vérité, je tenais entre les mains un ouvrage hors du commun. En effet, dès les premières pages, j’ai ressenti la présence presque tridimensionnelle d’Emily, grâce à l’écriture de Jerome Charyn qui nous la rend tangible sous ses multiples facettes.

Le style, tout d’abord, se veut très proche de celui de Dickinson. Un superbe travail sur les mots, sur leur répétition, leurs nuances et leur portée symbolique évoque l’esprit en ébullition permanente d’une poétesse qui se considérait difficilement comme telle. L’auteur nous permet de la sorte de percevoir l’imagination foisonnante de son héroïne, trait propre à l’enfance qu’elle conservera précieusement toute sa vie durant. Dans une langue personnelle, bien loin de tout formatage académique, Jerome Charyn parvient à transmettre au lecteur le moindre état d’âme de l’éternelle jeune fille, dont il présente une vision étonnamment contrastée.

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Fille de bonne famille ayant reçu une éducation ambitieuse pour son époque et enfant chéri de son père, elle possède en effet une part ombrageuse qui, dès son plus jeune âge, l’attire vers une existence en marge. Fascinée par les êtres blessés, torturés, par les hors-la-loi et les hommes en cavale, elle caresse sans cesse l’idée de fuir. Plutôt que sa famille ou son village, ce sont les codes qui lui sont imposés et les attentes que l’on fait peser sur elle qu’elle semble vouloir abandonner.

C’est finalement dans un isolement choisi et croissant qu’elle trouvera une forme d’apaisement. En laissant libre cours à sa créativité débordante et en consacrant sa vie à son art, à ses Trésors, hors de toute contrainte extérieure, elle échappe à cette société de bavardage incessant qu’elle méprise.

Poignant portrait d’une personnalité complexe et incomprise, La vie secrète d’Emily Dickinson rend un vibrant hommage à un écrivain longtemps méconnu et ignoré, qui ne recherchait ni la reconnaissance, ni le succès, mais simplement la liberté.

[Lis] Avec John F. Kennedy, Conversations inédites avec Arthur M. Schlesinger

En littérature, comme au cinéma d’ailleurs, j’avoue être captivée, passionnée, voire littéralement obnubilée par certains thèmes, et surtout, certaines périodes de l’histoire. Quand je commence à me renseigner sur l’un de ces sujets, je ne semble pas pouvoir m’arrêter et cela vire bien souvent à l’obsession. Heureusement pour moi (et, accessoirement, pour vous), ces univers qui me fascinent sont relativement nombreux, ce qui me permet de diversifier mes lectures.

Une de ces passions dévorantes porte indubitablement le nom de Kennedy. Symbole américain s’il en est, cette famille m’a toujours intéressée en raison de la dimension hollywoodienne de leur vie, dans le sens le plus éblouissant comme le plus tragique, malédiction et morts précoces y comprises.

Inutile, dès lors, de vous expliquer pourquoi j’ai fait des bonds de joie quand j’ai reçu Avec John F. Kennedy, le recueil de confidences inédites de Jacqueline Kennedy. Je ne reviendrai pas ici sur l’aspect exceptionnel de ce document, qui retranscrit mot à mot les paroles de Jackie peu après le décès du Président, la préface de Caroline Kennedy est très précise à ce niveau-là. Je préfère donc mettre en lumière ce que j’en ai retenu de ces interviews.

La première chose que j’ai appréciée est la spontanéité de Jacqueline, trait de caractère relativement insoupçonnable derrière son apparence lisse et irréprochable. Jackie ne mâche en effet pas ses mots, et y va de son petit commentaire, ému ou acerbe, sur tout et sur tout le monde. Longtemps épouse docile et en retrait, elle se révèle faussement naïve, aussi intelligente qu’impulsive.

La tendresse et la bienveillance avec lesquelles elle évoque Jack, comme le surnommaient ses proches, m’a beacoup touchée. Sans aborder ni occulter leurs difficultés conjugales, elle semble déterminée à ne retenir que les forces de leur union, que les qualités hors du commun de son époux. C’est ainsi que l’on découvre John dans toute son impressionnante magnanimité, sa sensibilité, son sens du devoir et de la famille. L’admiration de Jacqueline s’avère d’ailleurs contagieuse, et il me paraît difficile de refermer cet ouvrage sans éprouver semblable respect pour l’inoubliable Président.

Ni romancés, ni altérés, ces entretiens se lisent pourtant aisément. A titre personnel, je les ai littéralement dévorés! Cependant, je préciserais que les noms cités sont extrêmement nombreux, et que les notes de bas de page prennent parfois le dessus sur les conversations. C’est pourquoi je déconseillerais cet ouvrage à toute personne n’ayant aucune notion de politique américaine: ce livre permet de découvrir l’envers du décor, un point de vue interne et féminin sur certains évènements que je juge préférable de connaître au préalable.

Alors si vous vous intéressez aux Kennedy, dans leur dimension publique autant qu’intime, Avec John F. Kennedy devrait vous combler!

 

[Lis] Confession inachevée, Marilyn Monroe

Depuis toute petite, je suis fascinée par Marilyn Monroe. Comme tout le monde, je l’ai d’abord trouvée très belle, tellement féminine, subjuguante par son naturel étonnant autant que par sa sophistication absolue.

A l’adolescence, j’ai entrepris de me renseigner sur sa personnalité, et certaines de ses paroles sont devenues mes citations préférées, mes devises. J’aurais aimé être son amie. Elle m’accompagne toujours à l’âge adulte, trônant sur ma table de nuit, dans son maillot une pièce blanc, légèrement décoiffée par le vent et l’eau de la mer.

Ce n’est donc pas un hasard si ma maman, toujours attentionnée, a choisi de m’offrir cette confession inachevée, qui n’est rien d’autre qu’un début d’autobiographie. Marilyn par Marilyn. Ou Norma Jean. Ce manuscrit, abandonné en cours d’écriture et livré aux bons soins de son ami Milton Greene, vient en effet d’être réédité, accompagné des plus belles photographies de Greene.

J’ai découvert tant de choses, au cours de cette lecture. L’histoire, en soi, est déjà passionnante, digne d’un conte de fées où l’héroïne, abandonnée par sa mère démente, passe d’une famille d’accueil à l’autre et atterrit, au prix d’une pauvreté extrême et de déboires incessants, à Hollywood. Pourquoi recherche-t-elle la célébrité? Ni convaincue de son talent, ni réellement intéressée par le cinéma, elle veut avant tout être vue, entendue. Elle veut que l’on ne puisse plus ignorer qu’elle existe. Sa quête n’a rien à avoir avec l’argent et la gloire. Norma Jean souhaite la seule chose qu’elle n’obtiendra jamais: de l’attention et de l’affection. Marilyn, c’est Cendrillon, sans le Prince Charmant qui résout tout.

Tout au long de son récit, nous découvrons son incroyable fragilité. Depuis toujours abusée, mal aimée, méprisée, Norma se juge durement. Elle ne cesse de regretter son manque de culture, son absence de don, sa maladresse en société. La seule chose en laquelle elle semble croire est son physique. Pour la plupart des personnes qu’elle rencontre, il s’agit là de sa seule richesse et celle-ci demeure bien souvent insuffisante: Marilyn sera longtemps abonnée aux scènes coupées au montage. Pas assez photogénique. Son succès, elle ne le devra en aucun cas aux réalisateurs et aux directeurs de studio, mais bien à l’engouement extraordinaire, inédit du public, tombé instantanément fou amoureux d’elle.

Aujourd’hui, Marilyn garde une place de choix dans mon coeur. Archétype de la belle incomprise, que si peu ont cherché à découvrir, que personne n’a aimée comme elle le méritait, elle a rédigé cette confession telle une bouteille à la mer. Victime des lumières trompeuses d’Hollywood, Marilyn était connue de tous mais de personne en particulier, tellement entourée, et plus seule que jamais. Son carrosse, resté citrouille, ne l’a emmenée que sur le chemin de l’isolement et du désespoir. Livrée à elle-même, elle a choisi de prendre un raccourci. Goodbye, Norma Jean.