C’est toujours étrangement lorsque j’ai le moins de temps devant moi que le besoin d’écrire se fait le plus impérieux. Quand mon agenda se charge, la rédaction d’une simple chronique littéraire prend des allures de bouée de sauvetage spirituelle, alors qu’à l’approche d’un congé, le souhait de prendre la plume s’efface soudain devant mes envies d’évasion et de grand air.
Rapidement, toutefois, le retard considérable pris dans mes notes de lecture m’inspire un sentiment grandissant de culpabilité. J’ai fait de si jolies découvertes ces derniers jours qu’il me paraît inconcevable de ne pas vous en parler! Me voici donc de retour avec mon avis sur le premier roman jeunesse de la britannique Sophie Kinsella.
Audrey a 14 ans. Elle souffre de troubles anxieux. Elle vit cachée derrière ses lunettes noires, recluse dans la maison de ses parents à Londres.
Ça, c’était avant.
Avant que Dr Sarah, son psychiatre, lui demande de tourner un film sur sa famille, pour voir la vie
d’un œil nouveau : celui de la caméra.
Avant que Linus, un copain de son frère, débarque. Avec son grand sourire et ses drôles de petits mots griffonnés sur le coin d’une feuille, il va pousser Audrey à sortir. Et à redécouvrir le monde…
Comme tant d’autres lecteurs, c’est avec L’accro du shopping que j’ai découvert Sophie Kinsella. Cette série, dont j’attends fébrilement le prochain volume, m’a réconciliée avec la lecture alors qu’étudiante, je m’épuisais les yeux devant mes interminables notes de cours. Sa pétillante narratrice, Becky Bloomwood, parvenait à me faire rire aux éclats, quel que soit mon degré de fatigue ou de nervosité.
L’univers grisant des galeries marchandes est cependant diamétralement opposé à celui dans lequel l’héroïne d’Audrey retrouvée évolue. Ou plutôt celui dans lequel elle s’enferme. Repliée sur elle-même au point de ne plus pouvoir affronter le monde extérieur, l’adolescente réduit son espace vital à une pièce de la maison et se dissimule en permanence derrière des lunettes de soleil afin d’échapper au regard des autres, même de ses proches.
Si son trouble trouve ses racines dans une situation de harcèlement scolaire sévère, les circonstances exactes n’en seront jamais éclaircies. L’essentiel n’est pas de raconter par le menu les sévices subis par Audrey, ni d’en pointer les responsables, mais bien de suivre, avec pudeur, le chemin parcouru jusqu’à la guérison.
L’auteur s’est inspirée de sa propre vie de famille pour imaginer les différents personnages qui gravitent autour de la jeune fille et la tendresse dont elle fait preuve à leur égard s’avère rapidement communicative. J’ai particulièrement apprécié la façon dont le couple parental est représenté: de prime abord, le lecteur croit retrouver le schéma classique de la mère névrosée et du père distant. Mais une fois qu’Audrey, sur les conseils de sa thérapeute, se met à filmer son quotidien, nous découvrons toute la complexité des relations au sein d’un foyer qui peine à se reconstruire.
Le personnage de Linus reste néanmoins le véritable rayon de soleil du roman. Positif, patient, présent, il semble toujours trouver les mots justes et ne craint pas de bouleverser les habitudes tristes et absurdes dans lesquelles Audrey s’est jusqu’alors réfugiée. La pertinence de ses réflexions et l’humour dont il fait preuve insufflent à l’adolescente l’espoir d’une vie heureuse. Ce fragile rétablissement est toutefois mis à l’épreuve lorsqu’Audrey se trouve contrainte d’affronter ce qu’elle a si longtemps fui. Sa volonté et la bienveillance de ceux qui l’entourent suffiront-elles à guérir un cœur si injustement meurtri?
En conclusion, si les thématiques de l’adolescence, de l’anxiété sociale et du harcèlement vous intéressent, je ne peux que vous recommander ce roman aussi sensible qu’optimiste!