[Lis] Shä et Salomé: Jours de pluie, Anne Montel et Loïc Clément

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Bonsoir, amis lecteurs! Je n’ai pas envie de démarrer cet article par un commentaire sur le temps qu’il fait – je laisse cela à vos collègues et à vos voisins – mais je dois dire que l’atmosphère maussade de la semaine écoulée est la raison pour laquelle j’ai eu envie de me plonger dans cette jolie bande dessinée au titre évocateur: Jours de pluie

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Shä & Salomé narre les formidables non-aventures d’un couple atypique constitué d’une jeune femme… et d’un chat. Salomé travaille dans une halte garderie et remporte un franc succès auprès des enfants.  Shä, on amoureux, est d’une gourmandise sans limite et exerce la profession d’écrivain.

Au cours de saynètes de la vie quotidienne, cette bande dessinée présente une galerie de personnages hauts en couleur : une grand-mère acariâtre, des copines supportrices de l’équipe de foot de Papouasie, des enfants de 4 ans surexcités et Dieu lui-même qui s’avère être… un poney. 

Si mon regard a été attiré par cet ouvrage, c’est tout d’abord en raison des adorables dessins d’Anne Montel. Comment ne pas tomber sous le charme de ses douces aquarelles, dont les couleurs évoquent celles d’un jour d’automne ensoleillé? A la lecture, j’ai découvert toute la sensibilité du trait de l’artiste, au fil de planches imaginatives, aux rythmes agréablement contrastés.

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Alors que l’on pourrait parfaitement prendre son temps, en lisant un seul épisode à la fois, j’ai pour ma part achevé l’album d’une traite, tant je me suis attachée aux personnages. J’ai aimé la personnalité nuancée de Salomé, dont la tendresse se trouve habilement contrebalancée par la passion qu’elle voue à Batman, aux jeux vidéos et à l’équipe de foot de Papouasie. Quant à Shä, apprenti écrivain en quête d’inspiration, c’est par ses mots d’esprit, son imagination sans borne et sa candeur qu’il m’a séduite.

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Leur binôme, aussi charmant qu’improbable, s’établit à contre-courant des habituelles histoires d’amour et de leurs stéréotypes éculés. L’univers quotidien dans lequel Shä et Salomé nous entraînent se révèle touchant, sans être naïf. En effet, le ton, souvent désinvolte et amusant, se teinte parfois de mélancolie et d’introspection. Avec un humour subtil et une grande délicatesse, l’auteur soulève des questions plus profondes sur le couple, la vie en société et même le deuil.

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Je ne peux que vous inciter à plonger, à votre tour, dans le monde souriant et poétique de ce duo peu ordinaire. Si seulement tous les jours de pluie pouvaient ressembler à ceux passés en sa compagnie!

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[Lis] Freaks’Squeele: 1. Etrange université, Florent Maudoux

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Bonsoir à tous! Décidément, les articles se suivent et se ressemblent puisque je reviens vous parler aujourd’hui d’une nouvelle bande dessinée. Cela dit, hormis leur support, ces deux titres ont bien peu en commun… Voyez plutôt!

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À la Faculté des Etudes Académiques des Héros, Chance, Xiong Mao et Ombre entament le cursus qui fera d’eux des super-héros aptes à sauver le monde et ses environs. Du moins l’espèrent-ils !

Ces trois nouvelles recrues vont découvrir les joies de la vie universitaire, la concurrence sans pitié entre étudiants, les professeurs sadiques et le stress des examens…

A la lecture des premières vignettes, j’ai senti pointer le coup de cœur et mon intuition s’est aussitôt vérifiée: j’ai véritablement dévoré cet étonnant premier volume. Florent Maudoux, qui en signe le scénario ainsi que le dessin, parvient à imposer en quelques coups de crayon un univers à la croisée du comics et du manga, aussi hybride qu’immersif. Dès sa première planche, l’ouvrage se révèle proprement impossible à refermer… et l’achat des tomes suivants s’érige soudain en priorité absolue!

J’ai été particulièrement séduite par le choix des personnages principaux: au sein de cette école de redoutables super-héros, l’auteur décide de s’intéresser… aux trois plus mauvais élèves!

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Xiong Mao est une étudiante d’un abord ombrageux et distant, qui se présente d’emblée comme tout bonnement dénuée de pouvoirs particuliers. Chance incarne, elle, la bonne copine, joyeuse et attachante… en dépit des cornes de démon qu’elle porte sur le front. Quant à Ombre, malgré une apparence des plus féroces, il se révèle curieusement timide pour un loup de sa stature!

De leur côté, les personnages secondaires, qu’ils soient camarades de classe ou membres du corps professoral, ont des tempéraments tout aussi affirmés, ce qui laisse présager des épisodes à venir riches en rebondissements. L’identité du mystérieux « Manchot » et son rôle exact dans les événements qui frappent l’académie restent également à éclaircir…

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A l’originalité de la proposition initiale s’ajoute un ton décalé et volontiers humoristique qui nous garantit un excellent moment de détente! Les gags n’entravent toutefois en rien le rythme effréné des aventures de ces apprentis héros, qui surmontent toutes les difficultés sans reprendre une seule fois leur souffle. Les épreuves, dont l’issue n’est jamais prévisible, s’enchaînent et notre improbable trio devra redoubler d’ingéniosité pour venir à bout de ses adversaires les plus coriaces.

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Si vous aimez les mondes parallèles, les personnages atypiques et les intrigues truffées de scènes d’action, je ne peux que vous recommander de découvrir cette innovante série en sept volumes!

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[Lis] Alvin: 1. L’héritage d’Abélard, Régis Hautière et Renaud Dillies

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Bonsoir à tous! Je suis très heureuse de vous proposer aujourd’hui une note de lecture consacrée à une jolie bande dessinée en deux volumes.

Comme vous le constatez, ma résolution de m’intéresser de plus près au neuvième art est toujours bien vivace. Mes découvertes récentes en la matière m’ont d’ailleurs tant séduite qu’elles ne font que m’y inciter davantage!

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Alors qu’il vient d’être séparé de son ami Abélard, l’ours mal léché Gaston traîne son désespoir à New York. Mais rien à faire ! Son karma doit être d’aider les petits êtres en détresse, puisqu’il croise sur son chemin Alvin, un jeune orphelin revêche qu’il prend sous son aile.

Les voilà partis pour un long voyage, accompagnés, pour ne rien arranger, d’un prédicateur fou! Poésie, dialogues truculents et virtuosité graphique se mêlent pour une très belle ode à la différence et à l’entraide.

C’est sur la recommandation de mon libraire spécialisé que j’ai fait la connaissance du personnage de Gaston. J’ai bien conscience d’avoir fait les choses dans le désordre, puisqu’Alvin est en réalité le second cycle des auteurs et qu’il s’inscrit dans la lignée du diptyque intitulé Abélard.

J’aurais aimé pouvoir commencer par cette première série, malheureusement en rupture momentanée, mais j’ai finalement cédé à l’impatience et c’est ainsi que j’ai ouvert L’héritage d’Abélard.

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Les premières planches m’ont déstabilisée: le style graphique, avec ses douces demi-teintes et ses personnages animaliers évoquant l’illustration pour enfants, contraste radicalement avec l’atmosphère dans laquelle les auteurs nous plongent. En effet, Gaston n’a rien d’un ourson de dessin animé: jour après jour, il traîne sa lassitude du chantier de construction au troquet le plus enfumé.

Son seul ami lui fausse de plus en plus souvent compagnie et, comble du malheur, il perd brusquement son unique confidente, Purity. Dans un dernier souffle, celle-ci lui confie ses maigres économies et le charge de prendre soin de son fils unique.

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C’est alors qu’entre en scène le personnage d’Alvin. Décrit par sa nourrice comme un gamin infernal, cet écorché vif se révèle rapidement un enfant attachant, en dépit de son déroutant franc-parler.

Mais que faire de ce garçon? Gaston ne connaît aucune famille à qui le confier, et le remettre à l’assistance publique est tout aussi impensable pour notre héros, qui a promis à Purity de ne jamais laisser un tel cas de figure se produire. Et s’ils étaient destinés à parcourir un bout de chemin ensemble?

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J’ai trouvé cet album, qui ne ressemble à aucun autre, d’une subtilité bouleversante. Au-delà des échanges entre les personnages, ce sont les silences, puissamment évocateurs, que j’ai trouvés poignants.

Les liens qui se nouent entre ces deux êtres, désormais seuls au monde, sont de nature à réchauffer jusqu’au plus endurci des cœurs. Je suis extrêmement impatiente de découvrir le second volet de leur étonnant périple…

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[Lis] Coeur de papier – Le Salon, Bruno Enna et Giovanni Rigano

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Bonjour à tous! Aujourd’hui, j’ai eu envie de vous parler d’une bande dessinée très particulière intitulée Coeur de papier. 

 

Kriss Bottomwine est un jeune garçon qui, à la mort de ses parents, se retrouve envoyé dans un orphelinat appelé La Maison de la nuit. A sa tête, une femme mystérieuse, « Mamie Nuit », que personne n’a jamais vue et qui ne communique qu’avec une seule pensionnaire, la jolie Rosamelia.

Un jour, Kriss, accompagné de deux autres orphelins, décide de s’introduire dans les appartements de la directrice afin de la rencontrer. Commence alors un curieux périple où ils découvrent ensemble un monde extraordinaire, onirique, mais aussi complexe et dangereux.

 

Je crois en avoir déjà parlé sur ce blog: l’une de mes récentes résolutions de lectrice est de m’intéresser de plus près à la bande dessinée et au roman graphique. En tant qu’historienne de l’art, je suis fascinée par le travail d’illustration de ces merveilleux supports littéraires, que j’ai trop longtemps délaissés et que je redécouvre aujourd’hui avec émerveillement.

C’est exactement ce que j’ai ressenti en choisissant Coeur de papier, puisqu’il m’a d’abord séduite par la beauté et l’originalité de ses dessins. Comment résister à de tels ornements végétaux et à ces lignes sinueuses à souhait qui évoquent aussi subtilement l’Art Nouveau?
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A la lecture, le volume se révèle aussi agréable visuellement que sa couverture le laisse paraître. L’illustrateur parvient à imposer une esthétique inquiétante, particulièrement immersive et cohérente, tout en réussissant à surprendre le lecteur par la diversité de ses planches et de leur découpage.
Le récit m’a, lui aussi, captivée et, une fois n’est pas coutume, cela ne tient pas tant aux personnages qu’à l’intrigue qui se met en place. Quel est cet énigmatique établissement où vivent une poignée d’orphelins étrangement autonomes? A quoi riment les règles absurdes qui le régissent et où semble avoir disparu la porte de sortie? Quel rôle joue la fascinante Rosamelia? Qui est « Mamie Nuit »? Est-elle une menace pour les pensionnaires ou, au contraire, une protectrice tapie dans l’ombre?
Mon seul regret est qu’à l’issue de la bande dessinée, le lecteur se retrouve avec plus d’interrogations que de réponses. Cela incite, bien entendu, à se ruer sur la suite, mais celle-ci n’est malheureusement pas (encore) éditée. Difficile, dès lors, de ne pas refermer l’ouvrage sans éprouver un certain sentiment de frustration!
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J’ai été toutefois agréablement surprise par le chapitre final, qui prend la forme d’un texte continu et non de vignettes, et qui nous éclaire sur le passé de l’un des garçons. Voilà un ajout inattendu, qui permet de lever un coin du voile… en attendant d’en apprendre davantage!

 

En conclusion, si vous appréciez les histoires énigmatiques et les univers mystérieusement sinistres, vous devriez aimer ce premier tome de Coeur de papier

 

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[Lis] Camille Claudel, Eric Liberge et Vincent Gravé

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Bonjour à tous! Je suis très contente de vous proposer un article un peu différent puisque – grande première – cette note de lecture sera consacrée à une bande dessinée. J’en lis beaucoup trop peu depuis l’âge adulte, je le regrette, mais celle-ci m’a tellement plu que je ne pouvais pas ne pas en parler sur le blog.

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Paul Claudel est interrogé par des journalistes à propos du destin exceptionnel de sa sœur disparue huit ans plus tôt, la sculptrice Camille Claudel. Sa sculpture d’avant-garde fut une métaphore de sa vie, à l’image de son génial talent : une vague irrépressible qui l’a surprise, puis brisée de toute sa hauteur pour l’abandonner…
Eric Liberge et Vincent Gravé nous replongent dans le Paris de la fin du XIXe siècle, capitale débordant d’énergie artistique. Ils évoque la volonté farouche de la jeune Camille à se faire une place en tant que femme dans le monde des arts, les immenses difficultés rencontrées malgré son génie manifeste, mais aussi sa relation tumultueuse et scandaleuse avec Rodin, puis sa douloureuse déchéance jusqu’à son internement en asile psychiatrique…

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Quand j’ai ouvert cet ouvrage, je revenais tout juste de la formidable exposition roubaisienne consacrée à l’artiste. D’elle, je connaissais donc l’oeuvre, ou ce qu’il en reste, et les grandes lignes de sa vie, de sa carrière brisée, de son internement… Mais je voulais en savoir plus, et cette bande dessinée a représenté l’introduction idéale à mes yeux.

En premier lieu, j’ai apprécié l’absence de sentimentalisme excessif. Face à un personnage tel que Camille, il est facile de tomber dans un scénario débordant de larmes et de drames. Les auteurs ont trouvé le ton juste en faisant le choix de Paul comme narrateur. Ce dernier possède en effet un certain recul, mais il porte également un regard bienveillant sur les événements dont il a été le témoin plus ou moins distant.

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Nous sommes toutefois loin d’un récit de vie désincarné. Au contraire, le style graphique de Vincent Gravé rend perceptible toute tension, toute émotion vécue par les personnages. J’ai trouvé, à ce titre, que les phases aiguës de maladie mentale dont a souffert la sculptrice étaient particulièrement bien représentées. Le lecteur ne peut rester indifférent face à l’angoisse, à la solitude et au sentiment d’injustice subis par Camille.

L’intégration des sculptures majeures au fil rouge biographique est subtile et intelligemment amenée. Chacune des œuvres de Camille est présentée comme une réponse : à Rodin, à la vie, à la société, et c’est par leur biais qu’elle communique le mieux, dans un climat d’incompréhension et d’hostilité.

Aujourd’hui encore, elles continuent à parler et parviennent à nous toucher par l’intensité émotionnelle qu’elles recèlent.

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Je m’en tiendrai là et vous laisse en découvrir davantage grâce à cette bande-annonce vidéo… 

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